À Argentan, la campagne de recensement de la population qui a été menée au début de cette année ne ressemblait pas aux précédentes. Ce sont en effet deux employées de la Poste qui, du 20 janvier au 26 février, se sont manifestées à la porte des 600 foyers concernés par l'opération. La commune ornaise de quelque 13.000 habitants testait pour la première fois, comme 17 autres collectivités en France (Avrillé, Aureilhan, Carpentras, Houilles, Sens, Valenciennes…) la réalisation de la collecte du recensement par un prestataire privé. En l'occurrence la Poste, puisque du côté des opérateurs, le groupe public a été le seul à faire acte de candidature.
Initialement, l'expérimentation ouverte par l’article 127 de la loi Pacte du 22 mai 2019 devait débuter en 2021. Mais, comme on le sait, l'enquête de recensement n'a pu se dérouler cette année-là, en raison de la crise liée au Covid-19. Le lancement de l'expérimentation a donc été reporté à 2022.
La présence de la ville d'Argentan sur la liste des communes engagées dans cette démarche pilote n'est pas le fruit du hasard. "Nous avions des difficultés depuis plusieurs années à recruter des agents recenseurs ayant une bonne connaissance du terrain. Et de ce fait, l'agent municipal en charge de la coordination du recensement était mobilisé très fortement. Ce constat nous a conduit à rechercher des solutions alternatives, notamment la participation à cette expérimentation", explique Alexandra Belhache, adjointe au maire en charge de l'administration générale et des ressources humaines de la ville.
Nathalie Frangeul et Déborah Gauthier se sont portées volontaires pour mener à bien l'enquête de recensement de la population à Argentan. Elles ont la particularité d'être toutes les deux fonctionnaires de la Poste. Comme les 25.500 agents recenseurs de toute la France, elles ont suivi une formation de deux demi-journées et effectué une tournée de reconnaissance pour repérer les logements à enquêter. On notera aussi que durant les six semaines de collecte, elles ont été déchargées de la distribution du courrier, pouvant ainsi se consacrer pleinement à leur nouvelle mission.
C'est en tenue de factrices et portant le badge officiel des agents recenseurs qu'elles se sont présentées aux Argentanais. Ces derniers n'ont pas eu de peine à reconnaître des visages familiers, ceux des agentes qui assurent d'ordinaire la distribution du courrier. Ce qui était de nature à "rassurer", y compris les habitants qui pouvaient avoir des réticences à ouvrir leur porte, souligne Josette Vandon, coordinatrice du recensement à la mairie. Les postières avaient aussi pour atout de "très bien connaître" la ville, dont elles parcourent les rues quotidiennement. En plus, "en cas de doute" sur une adresse, "elles avaient la possibilité d'interroger leurs collègues". Enfin, en tant que factrices, elles étaient munies d'un pass universel. Un moyen infaillible pour franchir les portes des immeubles équipés de digicode, dont les agents recenseurs ne sont pas munis lorsqu'ils sont employés par les communes.
La mission des deux agentes de la Poste consistait à déposer les questionnaires et, en cas d'absence de réponse par internet, à prendre rendez-vous pour les récupérer. Une opération à effectuer pour 600 logements répartis dans les différents quartiers et représentant 8% du parc résidentiel de la ville. Elles devaient aussi recenser les habitations mobiles et les personnes sans abri.
Le bilan de la collecte a révélé la présence d'une soixantaine d'habitations mobiles. 662 logements ont, au total, été recensés. Les occupants de 36 logements n'ont pas répondu au questionnaire, même après avoir été relancés. C'est une proportion semblable à celle que la ville constate depuis plusieurs années. "Quand les gens ne veulent pas répondre, ils ne le font pas. Tant qu'ils n'y seront pas contraints, ce sera difficile de faire mieux", déclare Sylvain Laurent, directeur de l'administration générale de la ville.
De même que son élue référente, Alexandra Belhache, le fonctionnaire se félicite de la relation de "confiance" qui s'est instaurée entre la mairie et la Poste. "La mission n'a pas été présentée depuis Paris. Au contraire, le responsable de secteur du groupe est venu pour présenter ses équipes. Cela a été important pour la réussite de l'expérimentation", considère-t-il. Autre point positif : la Poste a organisé le remplacement d'une de ses deux agentes, lorsqu'elle a été en arrêt maladie au cours de la dernière semaine de la collecte. L'entreprise a ainsi répondu à une demande formulée par la ville.
Cette expérience a été conclue par "une rencontre avec le président-directeur général de la Poste", Philippe Wahl ayant choisi de se déplacer à Argentan pour "échanger" avec les deux agents recenseurs et les représentants de la commune, ajoute l'adjointe au maire en charge de l'administration générale et des ressources humaines.
Sur le plan financier, la délégation de la collecte de recensement à la Poste apparaît un peu plus coûteuse. La facture se monte à 5.600 euros tout compris. Soit davantage que les 2.703 euros que la ville avait déboursés en 2020 pour l'emploi en direct de trois agents recenseurs pendant six semaines. La dotation forfaitaire pour le recensement étant d'un montant fixe de 2.538 euros, la part laissée à la charge de la commune est donc "un plus importante" en 2022 que précédemment, indique le directeur de l'administration générale. Qui précise toutefois que ce bilan ne tient pas compte du temps que l'agent municipal coordonnateur a gagné, cette année, grâce à la nouvelle organisation. Au total, conclut Sylvain Laurent, "s'il existe un surcoût, il est tout à fait acceptable".
Interrogée au mois de juin, la ville d'Argentan prévoyait, au regard de ce bilan jugé positif, d'être candidate à la deuxième année de l'expérimentation (2023). Une appréciation et un choix qui sont partagés par les autres communes qui étaient engagées cette année. Le bilan est "satisfaisant pour les 18 communes" (dont 13 communes de plus de 10.000 habitants) ayant expérimenté le recours à des facteurs comme agents recenseurs en 2022, souligne le compte rendu de la réunion que la Commission nationale d’évaluation du recensement de la population (Cnerp) – une instance comprenant notamment des représentants des associations d'élus locaux – a tenue le 10 mai.
La Poste est elle aussi sur la ligne de départ en vue de l'enquête de recensement de la population qui sera menée en janvier prochain. Et l'entreprise devrait d'ailleurs, à cette occasion, être à nouveau le seul prestataire engagé dans cette expérimentation prévue pour une durée totale de trois années, donc jusqu'en 2024.
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