Localtis - A l'occasion de ses assises, l'APVF affirme que les petites villes sont "au cœur de l'innovation" en matière de transition écologique et numérique. Diriez-vous qu'il s'agit d'un vœu ou déjà d'une réalité ?
Christophe Bouillon - Sur les quelque 500 territoires à énergie positive pour la croissance verte qui ont émergé à la suite de l'appel à initiatives lancé en 2014, beaucoup sont des territoires ruraux ou des territoires périphériques qui s'appuient sur des petites villes. Ce n'est guère étonnant, dans la mesure où ces territoires sont dotés d'une forme d'agilité et sont très allants. D'une manière générale, les petites villes sont les premières à répondre aux appels à manifestation d'intérêt et aux divers dispositifs qui sont lancés soit par l'Ademe, soit directement par les ministères. Leurs élus s'engagent fortement sur la question de la transition écologique : ils équipent leurs collectivités de véhicules faiblement émetteurs de gaz à effet de serre, ils les dotent de réseaux de chaleur bois-énergie, ils réhabilitent les bâtiments publics... Ils ont bien compris que de tels choix sont bons pour l'environnement, mais aussi pour leur budget, par les économies ainsi générées. Ils investissent également sans hésiter dans la transition digitale, la couverture numérique et les usages qui l'accompagnent étant devenus des éléments forts de l'attractivité d'un territoire, au même titre que les écoles et les activités génératrices d'emplois. D'ores et déjà, les petites villes sont parties prenantes de la transition écologique et numérique. Elles sont dans la course et vont même parfois plus loin que de grandes collectivités qui peuvent s'avérer moins réactives et moins agiles.
Parmi les huit premiers territoires engagés dans l'élaboration d’un contrat de transition écologique figurent un département et huit intercommunalités, mais pas de petites villes en tant que telles.
Oui, c'est vrai. Il faut d'ailleurs veiller à ce que dans le cas où l'intercommunalité porte seule le dispositif, elle ne fasse pas écran à la participation des habitants. On ne se posait pas cette question avec les dispositifs qui existaient jusqu'à présent, comme celui des territoires à énergie positive pour la croissance verte. Celui-ci par exemple a permis à des petites villes d'être les pilotes. Elles ont ainsi pu aller de l'avant et leurs habitants ont été les acteurs des changements. J'en veux pour preuve la ville de Malaunay, qui est territoire à énergie positive pour la croissance verte. C'est une ville d'environ 6.000 habitants qui se situe dans la métropole de Rouen-Normandie. On la surnomme "le petit poucet de la transition énergétique". Elle a fait poser des panneaux photovoltaïques sur le toit de l'école. Pour cela, elle a directement conventionné avec ses fournisseurs et elle a lancé un appel à participation financière auprès des habitants. L'opération a été rapidement un succès et la transition sert beaucoup à l'image de la ville. On n'aurait pas le même effet si la métropole agissait à la place de la commune.
Pour mener à bien les transitions écologiques et numériques, les petites villes auront besoin de moyens financiers. Avec la suppression de la taxe d'habitation et la perspective d'une réforme fiscale, l'inquiétude semble réelle de ce côté. N'est-ce pas pénalisant ?
Nous sommes attachés à l'autonomie financière de nos communes et intercommunalités. Entre les deux scénarios du rapport de la mission pilotée par Alain Richard et Dominique Bur, notre préférence va donc à celui qui transfère la taxe sur le foncier bâti des départements vers le bloc communal. En complément, la mission recommande l'attribution d'un impôt national sur lequel le bloc communal n'aura pas de pouvoir de taux. Si tel était le cas, l'autonomie financière des collectivités serait alors quand même mise à mal. En plus du maintien de l'autonomie financière, nous souhaitons que soit établi un "impôt citoyen". Il serait en effet dommage que l'on coupe le lien entre le contribuable et sa commune. Car à cette échelle, les habitants voient bien comment leurs impôts sont utilisés. Par ailleurs, nous nous méfions comme de la peste de ce qui prendrait la forme d'une compensation. Nous retenons les leçons que nous apportent l'histoire.
La loi a limité le champ des contrats sur les dépenses de fonctionnement aux seules grandes collectivités et intercommunalités. Ces dispositifs seront-ils sans effets sur les petites villes ?
En fait, la contractualisation concerne indirectement les petites villes. Si les intercommunalités qui figurent dans le périmètre de la contractualisation sont mises au régime, les petites villes qui sont autour de la table sont soumises au même menu. Bien sûr, les grandes collectivités et intercommunalités ont leur mot à dire lors de l'élaboration de ces contrats, mais il ne faut pas oublier les collectivités en bout de chaîne, notamment les petites villes.
Sur les 222 villes du programme Action cœur de ville, un gros tiers sont des petites villes. Etes-vous satisfait ?
On peut voir le verre aussi bien à moitié vide qu'à moitié plein. Ce sont 222 villes qui ont intégré ce dispositif. Mais quelque 700 villes pourraient objectivement obtenir le soutien des pouvoirs publics pour la redynamisation de leur centre-ville. Parmi elles, certaines avaient participé aux démarches de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs initiées sous le précédent quinquennat, comme Joigny et Saint-Flour. Et nous ne les retrouvons pas toutes sur la liste des 222 communes du programme Action cœur de ville. Parce qu'on a changé de dispositif, elles sont passées à la trappe. Par ailleurs, il serait dommage que les opérations de revitalisation du territoire prévues dans le projet loi Elan ne couvrent que ces 222 communes. Enfin, il y a une question d'ordre financier : 5 milliards d'euros sont mis sur la table. Vont-ils être aspirés complètement par les seuls candidats retenus ?
Et s'agissant des motifs de satisfaction sur ce programme ?
Il présente un intérêt dans l'accompagnement des collectivités en matière d'ingénierie. Les petites villes ont réellement besoin d'être soutenues dans le montage des projets. La proposition de loi des sénateurs Pointereau et Bourquin visant à instaurer un pacte national pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs met d'ailleurs l'accent sur ces besoins en ingénierie. C'est très important. C'est d'ailleurs pourquoi nous attendons de la part de la future Agence de la cohésion des territoires qu'elle accompagne les petites villes dans ce domaine.
Au final, dans quel état d'esprit abordez-vous ces assises ?
Nous avons naturellement des inquiétudes et nous les exprimerons. En particulier, nous ne croyons pas à la logique du ruissellement pour les territoires : nous voyons bien que les métropoles concentrent les moyens, les services, les informations... Les petites villes ne veulent pas non plus faire la course avec un sac à dos trop chargé. Elles ont besoin que les dispositifs adoptés sur le plan national soient stables, ce qui n'est pas toujours le cas. On le voit par exemple en matière de production d'énergie renouvelable où il faudrait que l'on puisse davantage s'inscrire dans la durée. Les petites villes ont aussi besoin d'être accompagnées, et pas seulement encouragées. Nous le dirons aux ministres qui seront présents aux assises. Nous leur rappellerons aussi notre proposition en faveur d'un "1% métropoles" qui figure dans le Manifeste que nous avons présenté l'an dernier. Il s'agit de reverser 1% des recettes fiscales des métropoles au niveau régional, en l’affectant à des projets structurants dans des petites villes. Nous croyons dur comme fer à la cohésion territoriale. Mais nous n'allons pas nous lamenter. Nous portons un message positif : les petites villes sont dans la course, elles le montrent par exemple sur les transitions écologique et numérique. On peut parfaitement vivre bien dans la France périphérique. Celle-ci constitue même une solution pour limiter les déplacements, offrir de bonnes conditions de vie et de travail, limiter la pollution atmosphérique…
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