"Je vais être très transparent avec vous : j’ai découvert cette réforme [des zones de revitalisation rurale] au moment où j’ai été nommé Premier ministre." Un aveu surprenant de la part de Gabriel Attal dont la fibre rurale n'est pas la première caractéristique, lui qui a pourtant dû affronter, dès son arrivée à Matignon, l'une des plus grandes crises agricoles de ces dernières années. La réforme des ZRR, transformées en France ruralités revitalisation (FRR) par la loi de finances pour 2024, a été un autre caillou dans sa chaussure, avec la fronde de nombreux élus dont la commune était amenée à sortir du nouveau zonage. Interrogé sur le sujet mardi, à l'Assemblée, il a pu faire une annonce très attendue, à cinq jours du scrutin européen. "Après plusieurs semaines d’échanges et de travaux (…) j’ai décidé de maintenir dans le dispositif des ZRR les 2.200 communes qui devaient en sortir en application de la réforme", a-t-il déclaré, ajoutant que cette décision s’appliquait "dès à présent". "Aucune commune ne sera laissée sur le bord de la route (...) Aucune commune, aucun commerce, aucun professionnel n'arrêtera de bénéficier de ces exonérations au 1er juillet" date d'entrée en vigueur de la réforme, a-t-il assuré.
Au même moment, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires confirmait que cette mesure figurerait "dans la loi de finances pour 2025" et qu'il n'y aurait "aucune rupture". Le ministère a également communiqué la liste des 17.700 communes issue de la réforme, intégrant 2.165 communes entrantes. Ce sont donc au total pas moins de 20.000 communes qui seront classées, soit 2.000 de plus qu'auparavant. Le gouvernement avait aussi fait le choix de classer intégralement quelques départements en déclin. Ce sont finalement 13 départements qui sont retenus : Ariège, Aveyron, Lot, Lozère, Gers, Creuse, Cantal, Meuse, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Indre, Haute-Marne et Nièvre.
Pour la Saône-et-Loire, département en première ligne dans la fronde des maires recalés et qui avait obtenu un "moratoire" (voir notre article du 14 mars 2024), l'annonce du Premier ministre est un soulagement. Les 89 communes qui devaient sortir du zonage vont être repêchées. C'est le cas de Blanot, petite commune de moins de 200 habitants. "Je suis très satisfait de ce retour. Le gouvernement reconnaît qu'il n'avait pas forcément bien travaillé", se réjouit son maire, Jean-François Farenc, président de l'Association des maires ruraux de Saône-et-Loire. Mais, souligne-t-il, "tout cela relève d'une disposition législative, l'article 73 de la loi de finances qui fixe des critères précis pour la création des zones France ruralités revitalisation". "L'administration ne peut pas faire n'importe quoi, cela restera à valider dans une nouvelle disposition législative", tempère-t-il.
Du côté du cabinet de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, on assure que la mesure est "définitive", sauf "nouvelle réforme (pas prévu à ce stade)". Après tout, en période de disette budgétaire, mieux vaut être prudent, même si avec ses 300 millions d'euros d'exonérations fiscales et sociales, le dispositif n'est pas des plus coûteux si on le compare à d'autres dispositifs de revitalisation. "Ce n'est pas un dispositif que l'on utilise tous les matins mais dans la ruralité profonde cela peut être décisif", souligne Jean-François Farenc, citant l'exemple de son collègue de la commune de Marmagne (Cher) qui a pu mettre en avant une exonération d'impôts pendant cinq ans pour faire venir une pharmacie... Pour l'élu, "c'est une mesure d'aménagement du territoire utile à la ruralité et pas si dispendieuse".
La réforme, qui est l'un des piliers du plan France ruralités annoncé par l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne, le 15 juin 2023 (voir notre article du 15 juin 2023) doit entrer en vigueur au 1er juillet 2024. Elle crée deux niveaux de zonage : "FRR 'socle' et, pour le quart des communes qui en ont le plus besoin, un niveau renforcé : FRR+", rappelle le ministère de Dominique Faure. Les entreprises qui s'y installent ont droit à des exonérations d’impôts sur les bénéfices (IR/IS) mais aussi de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), pour lesquelles les collectivités ont trois mois pour délibérer après la date entrée en vigueur de la réforme, soit jusqu'au 1er octobre. "Les professions libérales, notamment médicales et paramédicales, restent éligibles, confortant ainsi les FRR comme l’un des outils de l’Etat au service de la lutte contre la désertification médicale", souligne le ministère qui précise aussi que les organismes d'intérêt général et les activités non sédentaires sont aussi éligibles. Par ailleurs, le zonage confère aux collectivités un "soutien renforcé" : majoration de dotation globale de fonctionnement (DGF), bonification de la dotation France Services, majoration de dotation au titre de la péréquation postale…
Seulement, cet épisode fait apparaître des défauts dans la conception même de la réforme. Trois critères de classement ont été retenus : avoir une population de moins de 30.000 habitants, appartenir à une intercommunalité dont la densité de population est inférieure ou égale à la médiane nationale et afficher un revenu disponible médian par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane nationale des intercommunalités. Alors que le gouvernement semblait d'accord pour retenir la maille communale, comme le suggéraient différents rapports parlementaires, c'est donc la maille intercommunale qui a été retenue, créant deci delà des effets d'éviction. Avec un revenu médian disponible de 21.600 euros, la communauté de communes de Saint Cyr Mère Boitier (Saône-et-Loire) s'était ainsi fait recaler "pour 30 euros", explique Jean-François Farenc. Sans parler des injustices causées aux communes "pauvres" appartenant à une intercommunalité plus riche… "Si on avait raisonné à la maille communale, on aurait eu moins de soucis", assure l'édile.
En montagne, 396 communes devaient sortir du zonage "essentiellement pour raisons de densité de population, parfois à 1 ou 2 habitants près", souligne de son côté l'Association nationale des élus de montagne (Anem), dans un communiqué. Avec cinq départements de montagne intégralement classés, 250 communes entrantes et la réintégration promise de ces 396 communes, l'association présidée par la députée des Hautes-Alpes Pascale Boyer peut se réjouir de l'annonce du Premier ministre. Mais elle aussi sera "très vigilante dans les conditions de mise en œuvre de cette mesure corrective".
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