Après le moustique tigre (Aedes Albopictus), les maires vont pouvoir s'attaquer au frelon asiatique... Il y a un mois, un décret renforçait en effet les pouvoirs des élus locaux dans la lutte anti-vectorielle (voir notre article ci-dessous du 1er avril 2019). Et le 7 mai, le Sénat a adopté, en première lecture, une proposition de loi "tendant à renforcer les pouvoirs de police du maire dans la lutte contre l'introduction et la propagation des espèces toxiques envahissantes". Ce texte a été examiné conformément à la procédure de législation en commission, selon laquelle le droit d'amendement des sénateurs et du gouvernement s'exerce uniquement en commission. La séance publique a donc été consacrée exclusivement aux explications de vote et tout s'est joué lors de l'examen du texte en commission des lois, le 2 mai.
Si la proposition de loi - déposée par Agnès Canayer, sénatrice (LR) de Seine-Maritime et 75 de ses collègues - vise les "espèces toxiques envahissantes", l'ennemi principal a été clairement désigné dans le rapport de la commission des lois et lors de la discussion du texte. Il s'agit en l'occurrence du frelon asiatique. Pour Agnès Castayer en effet, "les maires sont aujourd'hui trop souvent démunis face aux interpellations de leurs administrés qui leur signalent la présence de nids de frelons asiatiques sur le territoire communal".
Dans un communiqué publié au lendemain de la réunion de la commission des lois, le Sénat estime avoir "consacré le rôle de facilitateur et de sentinelle du maire dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes". Et lors de l'examen du texte, Philippe Bas, le président de la commission des lois, a jugé que "le maire est un acteur indispensable pour favoriser cette lutte au niveau local : il sensibilise et informe le public des risques pour la biodiversité que soulève la diffusion des espèces exotiques envahissantes, il joue un rôle d'intermédiaire afin d'obtenir l'accord des administrés à une intervention sur leur propriété, et il signale aux autorités en charge de la lutte la présence de spécimens de ces espèces sur le territoire communal".
En réalité, la portée du texte est très limitée. La rédaction d'origine prévoyait que "lorsqu'il constate l'implantation d'un ou de plusieurs spécimens des espèces animales ou végétales mentionnées aux articles L.411-5 et L.411-6 du code de l'environnement sur une propriété, le maire peut en aviser le propriétaire afin qu'il fasse procéder à leur capture, leur prélèvement, leur garde ou leur destruction et peut, dans un délai d'un mois, le mettre en demeure de faire procéder à ces opérations dans un délai déterminé". En cas d'inaction, le texte donnait au maire la possibilité, "par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours", de faire procéder d'office à l'exécution des opérations, aux frais de la personne mise en demeure.
Mais le texte adopté n'a plus grand-chose à voir avec la rédaction initiale. Il se contente en effet de d'ajouter à l'article L.411-8 du code de l'environnement une disposition prévoyant que "que lorsqu'il constate la présence dans le milieu naturel d'une ou plusieurs espèces mentionnées aux articles L.411-5 ou L.411-6, le maire peut en aviser l'autorité administrative mentionnée au premier alinéa du présent article", en l'occurrence le préfet.
Car, comme l'a expliqué Brune Poirson, la secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, lors de la discussion en commission, "sous peine d'inefficacité et de dispersion de fonds publics, l'action de lutte doit être menée de manière coordonnée - et sur un territoire de taille pertinente, car les espèces exotiques envahissantes ne connaissent pas les frontières administratives ! Elles sont, de surcroît, armées pour recoloniser rapidement les territoires d'où elles ont été extraites. C'est donc bien l'action du préfet, habilité à déclencher des opérations de lutte au titre de l'article L.411-8 du code de l'environnement, qui est déterminante, via une mobilisation coordonnée de l'ensemble des acteurs locaux : collectivités, établissements et services de l'État, organismes à vocation sanitaire, chasseurs, pêcheurs, conservatoire et associations naturalistes, gestionnaires d'espaces protégés..."
Au final, le texte autorise le maire à prévenir le préfet de la présence d'espèces toxiques envahissantes... Comme l'a fait remarquer - quelque peu désabusé - Yves Détraigne, sénateur (UC) de la Marne, "notre arsenal juridique et sanitaire est suffisant... Je ne suis pas un spécialiste du frelon asiatique, mais j'ai du mal à croire qu'on ait besoin d'une nouvelle loi pour régler ce problème"...
Référence : Sénat, proposition de loi tendant à renforcer les pouvoirs de police du maire dans la lutte contre l'introduction et la propagation des espèces toxiques envahissantes (adoptée en première lecture par la commission des loi du Sénat le 2 mai 2019, examiné en séance publique le 7 mai 2019). |
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