Agir sur la formation, inventer des régulations, encourager l'innovation… ce sont les principaux leviers identifiés par les sénateurs pour s'adapter à la robotisation à l'œuvre dans les activités de services. Le sujet a fait l'objet d'un débat organisé en séance publique le 9 janvier 2020, à partir du rapport d'information des sénateurs LR Marie Mercier (Saône-et-Loire) et René-Paul Savary (Marne), fait au nom de la délégation à la prospective et déposé au Sénat le 28 novembre 2019 ("Demain les robots : vers une transformation des emplois de service").
Et lors de ces débats a émergé l'idée d'une loi-cadre permettant de tracer des orientations à plus long terme et de donner un cadre qui s'appliquerait à tous. "Est-ce que nous n'aurions pas intérêt collectivement à avoir un texte, une loi-cadre, un peu générique, qui existe aux États-Unis, en Israël, en Corée du Sud, dans des pays où on se projette, avec un certain nombre d'éléments d'impulsion, de fiscalité, de financement, de contrôle de régulation, de protection des salariés ?" a ainsi interrogé Roger Karoutchi (LR, Hauts-de-Seine), président de la délégation à la prospective. Pour répondre à cette demande, Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement, a opposé la nécessité, dans un premier temps, de mettre de la cohérence dans les différents dispositifs existants. "En ce qui concerne des mesures législatives, je crois qu'on n'y échappera pas car sinon on verra à chaque fois le problème par le petit bout de la lorgnette", a cependant insisté René-Paul Savary, préconisant d'"agir a priori plutôt qu'a posteriori" pour "répondre à l'angoisse de nos concitoyens".
Après l'industrie où l'automatisation existe depuis des décennies, les services ne sont ainsi pas épargnés par la compétition et l'impact de la robotisation : des machines intelligentes se déploient dans des domaines comme l'agriculture, la logistique et les transports (entrepôts automatisés, véhicules autonomes), la sécurité et la défense (reconnaissance faciale), les soins et la santé (radiologie, télémédecine, algorithmes mis à contribution pour certains diagnostics), l'énergie (smartgrids), les loisirs, le commerce (caissières remplacées par des automates, écrans interactifs...). Entre 10% et 50% des emplois pourraient disparaître du fait de l'automatisation des tâches, selon les études. Au-delà des destruction d'emplois se pose la question de la place de l'humain dans bien des activités. Le rapport ne cède pourtant pas à la panique. "Le chômage technologique ne s'est jamais concrétisé dans le passé", signale ainsi le document précisant que "les pays les plus utilisateurs de robots et d'intelligence artificielle (Allemagne, Japon, Corée du Sud), sont aussi ceux qui connaissent les taux de chômage les plus faibles". En effet, bien que 4 à 5 fois plus robotisée que la France, la Corée a encore une industrie qui pèse 30% de son PIB. Mais le rapport n'évoque pas son protectionnisme décomplexé. Enfin "les robots ne peuvent pas tout" et sont limités en matière d'intelligence sociale et de compétences relationnelles notamment. "En réalité, la révolution robotique est aussi une révolution qualitative : de plus en plus de robots utilisés dans l’industrie sont des 'cobots', qui travaillent avec des humains", estiment les rapporteurs.
L'impact peut aussi être positif dans certains secteurs, a souligné Marc Fesneau pour le secteur du service à la personne, et en particulier des maisons de retraite, en réponse à une question d'Éric Gold (RDSE, Puy-de-Dôme). "Le secteur de l'aide à domicile souffre de difficultés de recrutement récurrentes, la robotisation peut être une des réponses à ces déficits", a ainsi signalé le ministre chargé des relations avec le Parlement. Mais "la robotisation ne peut intervenir qu'en complément pour soulager les salariés" et "résoudre parfois des sujets de pénibilité". La robotisation permettrait dans ce cas aux personnels de se consacrer complètement à leur mission d'inclusion sociale et de se décharger de certaines tâches de veille ou d'assistance mécanique, rendant plus attractifs les métiers de cette filière.
Le rapport ne minimise pas ces transformations en cours ou attendus dans les services : une polarisation du marché du travail, avec moins d'emplois intermédiaires et plus d'emplois très qualifiés et d'emplois non qualifiés, la localisation des emplois au profit des grands pôles d'activité métropolitains, et un éclatement de la relation de travail (vers une relation plus informelle et plus souple). Mais "freiner la mise en oeuvre du progrès technique dans les services pour préserver l'emploi existant n'est pas un chemin pertinent", estiment les rapporteurs qui préconisent dix mesures, parmi lesquelles l'accès à des jeux de données publiques et privées destinées à favoriser l'innovation. Des informations indispensables pour permettre de déployer des outils d'intelligence artificielle, la France disposant pour le moment de peu d'acteurs économiques puissants dans ce domaine.
Autres préconisations : une évaluation systématique de l'impact de l'introduction de robots dans les organisations publiques ou privées, une couverture numérique du territoire, pour éviter une "robotisation à plusieurs vitesses" ou encore le développement des démonstrateurs d'innovations pour lever les obstacles psychologiques à l'utilisation de robots de service.
Pour le sénateurs, le "coeur de la bataille" réside dans la formation et l'adaptation des compétences. Ils proposent notamment de réformer l'enseignement scolaire pour encourager l'adaptabilité ultérieure des jeunes, de développer les compétences transversales dans l'enseignement supérieur et de renforcer l'appareil de formation professionnelle continue avec une priorité aux travailleurs dont l'emploi est automatisé ou susceptible de l'être rapidement. Le rapport préconise aussi de garantir un droit à la reconversion pour les salariés dont les emplois sont ou seront supprimés par la robotisation.
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