La déclaration d'intention d'aliéner dématérialisée (DIA), expérimentée depuis quelques mois par la ville de Niort en partenariat avec le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) et le Conseil supérieur du notariat (CSN), devrait progressivement entrer dans une phase de généralisation. Les premières expérimentations remontent à 2004, mais c'est seulement il y a un an, en 2012, qu'un décret est venu libérer les acteurs du carcan juridique de la procédure papier (voir ci-contre notre article d'avril 2012). A côté des flux d'échanges opérés via des plateformes de confiance, l'enjeu est bien la réalisation d'une procédure "sans papier" de bout en bout. Elle suppose de la part des collectivités de se rapprocher de leurs éditeurs éventuels et, dans tous les cas, de repenser leurs circuits de validation en entamant une réorganisation interne des services instructeurs.
La DIA, réalisée par un notaire, est une procédure imposée aux propriétaires désireux de céder un bien immobilier. Elle vise à informer la mairie titulaire d'un droit de préemption qui peut ainsi exercer son droit d'achat prioritaire. La démarche papier, assez lourde, génère l'envoi d'un formulaire en quatre exemplaire, des saisies et des ressaisies entre notaires et communes, sans compter les allers et retours fréquents en cas d'irrecevabilité. La dématérialisation, en raccourcissant la durée des procédures d'instruction et en effaçant les frais d'envoi en recommandé – principale dépense –, représenterait un gain de l'ordre de 7 à 10 millions d'euros (5 à 6 millions pour les notaires), pour un flux annuel de 700.000 DIA émises par 9.000 notaires à destination des communes.
La dématérialisation expérimentée pendant trois mois à Niort (de février à fin avril) s'appuie déjà sur la transmission d'une cinquantaine de déclarations à blanc, mettant en relation les trois plus importantes études notariales de la ville (80% des DIA) et les services de la mairie. Son déroulement est assez simple : après s'être identifié sur la plateforme d'échanges du Conseil supérieur du notariat (Planete), le notaire signe la déclaration (un formulaire Cerfa adapté en 2012) et le transmet à la commune sous la forme d'un flux crypté via un second service de confiance : la plateforme "PEC" mise en œuvre par le SGMAP et qui héberge déjà le portail "mon.service-public.fr". PEC vérifie la signature et horodate le fichier avant de le transmettre à la collectivité. En retour, la procédure de transmission est identique mais cette fois signée électroniquement par un élu.
Le choix de Niort est lié à des raisons "historiques". La ville a été la première à initier, en 2004, un chantier de dématérialisation sur les procédures d'urbanisme. Sa taille de plus de 50.000 habitants est significative en termes de volume de déclarations (1.500 par an). En outre, les progiciels métiers utilisés par la ville et par les notaires sont les plus répandus du marché.
"Le dispositif d'échange fonctionne correctement", confirme Daniel Charamnac, chef de projet informatique à la mairie, qui a également piloté en interne la procédure d'instruction dématérialisée de bout en bout : "Nous avons accompagné notre éditeur dans la conception d'un nouveau module dédié à la gestion de la procédure. Il intègre un outil de signature, sur le principe du parapheur, ce qui évite les ruptures dans la chaîne d'instruction et permet à l'élu de signer électroniquement le formulaire complété de la DIA." Ce volet de simplification de l'instruction représentant une chaîne de traitement relativement complexe associant de nombreux services, il peut être utile, avant d'engager la collectivité dans une réorganisation profonde, d'en étudier l'impact économique, suggère encore Daniel Charamnac.
"Les améliorations profitent à l'ensemble de la chaîne de traitement", souligne-t-il encore, évoquant la suppression des doubles saisies génératrices d'erreurs, le raccourcissement des délais de réponse, la diminution des risques d'irrecevabilité, la sécurisation juridique des échanges et la maîtrise de l'ensemble des informations gérées par les services impliqués.
De son côté, le SGMAP, qui prépare une généralisation de la procédure, souhaite accélérer la démarche. A l'issue des conclusions de l'expérimentation menée par la mairie de Niort, prévues fin avril ou début mai, un "pilote de généralisation" sera lancé en direction d'une vingtaine de communes volontaires, afin de travailler sur un volume de flux plus significatif et de vérifier la bonne maîtrise de l'application par les utilisateurs. La plateforme de l'Etat sera mise gratuitement à disposition de toutes les communes à partir de la mi-2013. Mais ces dernières auront à charge de développer leurs propres interfaces, à moins qu'elles n'utilisent le module développé, si elles partagent le même éditeur métier que Niort.
En outre, les collectivités devront accepter les limites actuelles du projet qui butte encore sur deux écueils d'importance il est vrai inégale. Tout d'abord, seuls les avis de renonciation à l'exercice du droit de préemption (99% des flux) sont pour l'instant soumis à la dématérialisation. En cas d'exercice de ce droit par une mairie, seule la procédure papier demeure valide aujourd'hui. Ensuite, plus important, le certificat d'urbanisme, autre procédure très utilisée dans le cas d'une cession, n'a pour l'instant pas été pris en compte par l'Etat, ce qui affaiblit la cohérence de la démarche, à la fois pour les notaires et pour les services municipaux, contraints à maintenir une organisation hybride.
Pour autant, les grandes villes semblent vouloir s'investir sur le dossier. Une quinzaine ont déjà manifesté leur intérêt (Lyon, Nîmes, Nantes, Strasbourg, Lille, Bordeaux...). La plupart commenceront sans doute avec la mise en place de la procédure d'échange, avant de passer à une dématérialisation intégrale, beaucoup plus lourde en termes de réorganisation. Cette phase "pilote" devrait s'achever fin 2013 pour laisser place à un processus de généralisation qui restera à l'appréciation des collectivités territoriales.
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